Histoire
de Draguignan
La
vallée et le site de Draguignan,
bien avant la fondation d'une bourgade fortifiée qui s'accroît en
ville médiévale, apparaît comme un modeste mais opportun lieu de
passage emprunté par les chemins méridionaux longeant les hauts
plateaux.
Préhistoire
et période pré-romaine
Vers
2500 av. J.-C., la contrée est peuplée par des peuples
cultivateurs et petits éleveurs : les reliques d'une
civilisation néolithique levant des menhirs et dolmens sont observés
par les archéologues, à l'exemple du dolmen au lieu-dit de La
Pierre de la Fée près de l'hôpital actuel de Draguignan. Les lieux
de vie de cette civilisation ne sont cependant pas connus
précisément. Sur les hauteurs ou dans le bassin, il semble que les
hommes fondant ensuite le cuivre aient exercé collectivement une
plus grande maîtrise hydraulique pour mettre en valeur précocement
la vallée.
À l’âge du fer, vers 700 av. J.-C., de petits villages fortifiés construits en pierre sèches s'installent sur les hauteurs dominant la vallée, notamment celui du Dragon (aujourd'hui près du domaine viticole du même nom) et celui du Seiran. Dans la ville même, notamment dans le quartier de la Tour de l'horloge et des Négadis, ont été trouvés une cabane, des ossements et des poteries datant du Ve siècle av. J.-C. Cela suggère que la plaine est habitée en permanence et mise en valeur par les Ligures, puissant peuple indo-européen qui, dominant d'anciennes populations de langues non indo-européennes, contrôlent les passages des Alpes du sud.
Au
IIIe siècle,
des peuples celtes surgissent du nord et s'allient aux Ligures :
les Salyens,
peuple celto-ligure s'imposent. Les historiens et archéologues,
dépourvus de secteurs autorisés de fouilles, en savent relativement
peu sur la période pré-romaine à Draguignan.
Période
romaine
La
Table
de Peutinger
montre qu'une voie
romaine
reliant l'Italie à l'Espagne, en passant par Fréjus,
Ampus
et Riez
traversait le bassin de Draguignan. Son tracé exact n'est pas connu,
mais on peut voir des fragments de la voie au quartier du Dragon,
ainsi que les ruines du petit pont romain qui traversait la Nartuby
entre Rebouillon et La Clappe. On sait qu'elle passait à peu près
au pied du Malmont, pour ensuite gravir les collines et passer près
du village d'Ampus.
Toujours grâce à la Table de Peutinger, nous savons qu'un relais routier nommé Anteae se situait dans le bassin de Draguignan. Cependant, son emplacement exact reste un mystère. Il serait possible qu'Anteae se soit trouvé dans la vieille ville où des ruines romaines ont été trouvées. Une autre hypothèse se base sur l'étymologie : il existe un hameau nommé Lentier entre Draguignan et Ampus : Anteae, Lentier, cela est proche, d'autant que la voie passait probablement par Lentier. Un bémol cependant : ce relais était indispensable avant de franchir les collines dracénoises, notamment pour prendre des chevaux frais. Or Lentier est dans la montée. Mais la « candidature » Lentier est sérieuse, et cette piste ne doit pas être négligée. Trouver l'emplacement exact d'Anteae est l'un des défis actuels de l'archéologie dracénoise.
Draguignan
n'a nullement accueilli de cité romaine, mais un groupement de
riches villae,
notamment celle du quartier saint Hermentaire, et de maisons fondées
par de plus modestes colons, anciens légionnaires
romains[1]
Ces domaines agricoles cultivaient la vigne et l'olivier, les
pressoirs
retrouvés en témoignent. De petits centres d'exploitation
champêtres romains, ancêtres des « bastides »
provençales, ont été retrouvés aux alentours de la ville. Il n'y
a aucune preuve qu'un véritable bourg de Draguignan se soit formé à
la fin de cette période.
Moyen
Âge
Le
nom de « Draguignan » est mentionné pour la première
fois en 909 dans le cartulaire
de Cluny. Il s'agit de l'inventaire des biens d'un certain Foucher,
père de Maieul, futur abbé de Cluny :
Fagentia
cum ecclesia et apendiciis suis, Dragoniano similiter
ce qui signifie : « Fayence
avec son église et dépendances, pareillement à Draguignan ».
Comme il y avait une villa avec église à Fayence,
cela signifie probablement que ce Foucher possédait en outre une
villa avec église à Draguignan, probablement celle de Saint
Hermentaire qui existe toujours.
Les
anciennes terres des Sarrazins
sont administrées par le fisc du comte
de Provence.
En complément des tombes et vestiges, des chapelles et des noms
d'évêques réfugiés, Draguignan sort de cette longue période
d'insécurité en véritable bourgade fortifiée [réf. nécessaire].
Mieux, la petite ville fournit son excédent d'hommes à la
reconquête agricole des basses vallées et rivages et s'enrichit
grâce à la renaissance d'un petit négoce. Fréjus avec son
ensemble épiscopal est reconstruite sous la férule de l'évêque
Riculphe en 990.
Vers
l'an mil, une seigneurie est fondée à Draguignan, gouvernée
collectivement par des chevaliers et des nobles. La position
fortifiée avec un dominium
ou donjon
s'élève sur le rocher où se trouve aujourd'hui la Tour de
l'Horloge. La ville fait partie du royaume de Provence qui affirme
une indépendance illusoire jusqu'à son rattachement en 1032 à
l'Empire. À cette époque est peut-être créée la légende du
dragon tué par saint Hermentaire, ce qui attire des pèlerins à
l'église saint Hermentaire, seul bâtiment restante de la villa
homonyme. Le dragon peut symboliser le païen, le sarrazin,
l'étranger.
La
population du périmètre urbain dracénois augmente énormément de
970 à 1245 sous l'égide des comtes de Provence.
Trois officiers s'installent dans la ville, notamment le bayle,
représentant du comte qui s'associe aux nombreux nobles qui
gouvernent déjà la ville, augurant une longue période de
croissance et de prospérité. Au XIIe siècle,
la dynastie des comtes
catalans
s'appuyant sur un redressement urbain s'impose dans le comté de
Provence divisé. Au début du XIIIe siècle
après l'union des deux comtés, ils deviennent suzerains de
Draguignan. Raymond
Bérenger V
en est une dernière grande figure comtale de 1209 à 1245. Une
grande enceinte munie de deux portes principales, rendant caduque
l'ancienne muraille, est construite autour de la ville. La ville
s'affirme commerçante avec une proche campagne placée sous le signe
de la trilogie naissante : élevage de moutons,
vignoble et oliviers. De nombreux couvents sont construits.
Le
comté de Provence passe par héritage à la branche cadette des
Capétiens,
représentée par Charles
d'Anjou,
frère de saint
Louis.
Les entreprises de la dynastie angevine vers Naples
et l'Orient stimulent le commerce. L'assemblée des états de
Provence entérine les bases de la législation et des impôts
comtaux.
Au
début du XIVe siècle,
la Provence paysanne ravagée par des disettes et une insécurité
croissante stagne. En 1341,
la ville est attaquée par d'importantes bandes de
pillards[réf. nécessaire].
Draguignan, à l'instar de l'Europe occidentale, est durement touchée
par la peste
noire de
1348. Le collapsus épidémique, psychologique et social fait
disparaître en quarante ans plus de la moitié de la population
locale car l'épidémie de peste revient ensuite périodiquement,
avec le cortège menaçant des famines, des guerres et des
brigandages causés par la perpétuation de la crise économique. En
1357,
les pillards, comptant sur la baisse drastique de sa population
valide, reviennent assiéger[réf. nécessaire]
la ville fortifiée, mais les confréries[réf. nécessaire]
fort actives animent l'ardeur défensive.
Le règne de la reine Jeanne, souveraine à la fois incapable et inquiétante, accable les Provençaux de 1343 à 1382. Les désastres démographiques n'ont pas encore cessé que les troupes du duché de Savoie investissent Nice et sa région, obtenant un traité de cession en 1388. Une intense période de guerre et de brigandage des mercenaires licenciés s'ensuit, alors que Draguignan se situe à proximité de la zone frontalière. Une partie de la population émigre. Le redressement par l'accroissement naturel et l'arrivée d'immigrants génois ou piémontais, vaudois ou espagnols, gavots ou savoyards joue un rôle similaire à la basse vallée du Rhône ou de Durance.
La
population passe de 3 500 habitants en 1300
après avoir été réduite à 1 800 revient à son premier
niveau en 1470.
Draguignan est peut-être la quatrième ville de Provence, loin
derrière Aix,
Marseille
et Avignon.
Le désastre démographique apparaît de plus grande ampleur dans les
vallées et montagnes proches, autrefois populeuses. Le XVe siècle
est une période de grandes réformes administratives, la seigneurie
devient plus autonome. Les XIVe
et XVe siècles
sont la grande période des comtes-rois angevins de Provence,
qui contrôlent en outre l'Anjou
et Naples
et qui font des entrées remarquées dans Draguignan, ville comtale.
Les
Temps modernes et l'Ancien régime
Une
période trouble inaugure la fin du XVe siècle.
Deux invasions successives de Charles
Quint,
petit-fils du Téméraire, la dernière tentative rejetée par une
furia marseillaise in extremis, déstabilise la calme
Provence[réf. nécessaire].
La création en 1501 du parlement d'Aix et l'application de l'édit de Joinville en 1535 font entrer la Provence dans l'orbite française, mieux que l'obéissance à l'ordonnance de Villers-Cotterêts. En effet, les délibérations communales sont rédigées sans difficulté en français par les puissants édiles alors que la majorité, peut-être 80 % des habitants, ne parlent que provençal. Le bilinguisme ne s'impose que petit à petit en plus de trois siècles. Le XVIe siècle voit la ville prospère devenir chef-lieu de justice ou sénéchaussée.
La Réforme touche peu la ville et les rares protestants sont souvent massacrés, comme Antoine de Mauvans. Draguignan reste une ville presque entièrement catholique. En représailles, Paulon de Mauvans pille durement la ville en 1560[2]. En octobre 1590, profitant de la dissidence de la Ligue catholique, le duc de Savoie prend la ville.
Le XVIIe siècle voit la fin des signes d'autonomie de la ville dont la population culmine à presque 10 000 habitants au milieu du siècle classique. La destruction de la première Tour de l'Horloge par Louis XIV punit la ville de s'être alliée avec les frondeurs. Il autorise cependant sa reconstruction en 1663 avec un superbe campanile qui s'élève à 24 mètres de hauteur. L'apogée dracénoise est atteinte sous son grand règne.
Mais la ville
souffre[réf. nécessaire]
terriblement de la guerre
de Succession d'Espagne
ainsi que de la guerre
de Succession d'Autriche.
En 1707, le siège de Toulon rappelle la vulnérabilité de la
frontière. Draguignan, qui est aussi victime de la peste
sévissant à Marseille de 1720
à 1721, reprend aussitôt sa croissance. Et la ville catholique
s'investit dans la querelle janséniste
à partir de 1730.
La
ville de Basse Provence accueille le palais d'été des évêques de
Fréjus et une grande viguerie
au XVIIIe siècle,
alors que sa population passe de 4 500 à 6 500 habitants.
La Basse Provence est partout prospère : elle possède une vie
industrielle véritablement diversifiée, par exemple dans les cuirs,
les papiers,
les savons
et les soieries
et une économie d'échanges agricoles, en particulier par les
vignes, les oliviers et les bleds, ces derniers déficitaires étant
souvent importés. Les classes dominantes, bourgeoisie des offices ou
rentière, du haut et moyen commerce sont bilingues, le peuple
demeure fidèle à ses dialectes provençaux.
De
1789 à 1815
Le
début de la Révolution
française
est tranquille à Draguignan, une fois consumées les rumeurs
paysannes précoces. Deux Dracénois sont élus aux États-Généraux :
- le vicomte de Rafélis-Broves pour la noblesse (qui sera tué en 1792 durant la prise des Tuileries par les Sans-Culottes),
- le
lieutenant-général Lombard-Taradeau pour le Tiers.
La récolte de 1789 ayant été bonne, cette année ainsi que les suivantes sont calmes. Toulon devient en 1790 chef-lieu du département de Var alors que la candidate la mieux placée, Draguignan, n'obtient qu'un rôle secondaire. Le département du Var tire son nom du fleuve frontalier avec le royaume de Sardaigne incluant les possessions savoyardes.
Deux
députés dracénois sont envoyés à l'Assemblée législative de
1791 :
Honoré
Muraire
(modéré) et Maximin
Isnard
(girondin). L'année 1792
est en revanche moins calme, comme dans toute la France, avec le
début des Guerres
révolutionnaires
et la proclamation de la République.
Maximin
Isnard
est élu à la Convention
et Draguignan s'affirme en ville girondine. Barras
est représentant en mission à Draguignan. La
Terreur
ne fait pourtant que quatre[réf. nécessaire]
décapités à Draguignan alors qu'en 1795
l'inflation
économique frappe avec une terrible dureté la ville marchande comme
ses plus modestes habitants.
Cette même année, Isnard ne cesse de rappeler la « trahison républicaine » des habitants du chef-lieu départemental, les Toulonnais ayant remis « les clefs de la ville » et permis l'accès de la rade et du port à la marine anglaise. Le siège mal engagé a permis à un jeune officier français d'origine corse, Napoleone Buonaparte, de s'illustrer en montrant la qualité de la formation militaire qu'il avait reçue à l'école de Brienne et à l'école d'application d'artillerie de Paris. Isnard parvient à faire désigner Draguignan comme une éphémère seconde préfecture du Var. Mais la décision finale revient à Napoléon Bonaparte qui, conscient de la situation périlleuse de Toulon vis-à-vis d'une agression militaire de la flotte anglaise hégémonique en mer Méditerranée, préfère confier la responsabilité préfectorale à Draguignan en 1797. L'argument d'une rancune personnelle envers les Toulonnais justifiant ce transfert n'est pas recevable : non seulement Toulon devait d'abord redevenir un grand port de guerre, mais encore il convient de noter que les deux autres grands ports militaires français n'avaient pas reçu non plus, à cette même époque, le statut de préfecture. Ainsi Cherbourg n'était que sous-préfecure (la préfecture de la Manche étant attribuée à Saint Lô), de même que Brest (la préfecture du Finistère revenant à Quimper). Que Toulon ne soit qu'une sous-préfecture n'était donc pas, en tant que tel, une aberration.
Le
préfet Fauchet améliore la situation de la ville qui prospére sous
l'Empire.
Jusqu'en 1808,
les récoltes sont bonnes et de nombreuses petites industries
s'implantent. En janvier 1806,
l'empereur Napoléon nomme le baron d'Azémar préfet
du Var.
Ce dernier marque la ville de son empreinte, créant ce qu'on appelle
les « allées d'Azémar ». Il fait ensuite agrandir la
place du Marché et installer l'éclairage public.
À
partir de 1808,
les récoltes sont mauvaises, la conscription et les levées
exceptionnelles d'impôts pour défendre la France s'alourdissent, et
le brillant Azémar, remplacé, laisse sa place en 1811 à un
successeur plus effacé. En 1814,
lassée de Napoléon,
la ville, heureuse d'apprendre l'accession au trône de Louis
XVIII
fête la Restauration du Roi Bourbon.
En 1815,
après les Cent-Jours,
la ville est brièvement mais sévèrement occupée par l'armée
autrichienne.
De
1815 à 1870
En
1827 a lieu une crue
centenaire,
donc d'ampleur comparable à celle du 15 juin 2010, qui dévaste la
ville et ses environs. Draguignan, protégée par ses remparts et
beaucoup moins étendue qu'aujourd'hui, n'eut à déplorer que la
mort de deux personnes (4 morts à Trans).
- En 1834, la vocation militaire de Draguignan commence avec la construction d'une caserne, qui s'appellera en fin de siècle la caserne Abel Douay.
- Sous Charles X, un nouveau palais de Justice est construit, inauguré en 1829. En 1836, la ville se dote d'un grand théâtre, qui fonctionnera jusqu'en 1963, date de la construction d'un nouveau théâtre plus grand.
- Les cultures sèches dominent avec l'olivier et la vigne, la culture du mûrier s'accroît massivement pour produire le fil de soie. Le retard dans l'adoption des techniques d'irrigation et d'arrosage, mais aussi de vinification malgré 800 000 hl de vins varois fort en alcool, pénalise le département.
- En 1848, Draguignan, ville de 10 000 habitants devenue profondément républicaine en participant à la puissante contestation contre la Monarchie de Juillet, possède un club démocrate-socialiste de 800 adhérents [réf. nécessaire], qui soutiennent une presse active de deux journaux socialistes et influencent les nombreuses chambrées traditionnelles du Var. Elle apprend avec enthousiasme l'établissement de la Deuxième République. Le Var, qui inquiète les partis conservateurs, élit Ledru-Rollin à l'assemblée nationale. La modeste Draguignan, à l'instar de Toulon plus peuplée avec 70 000 habitants, affirme souvent son hostilité tant au prince Louis-Napoléon qu'au Second Empire.
- Haussmann s'en acquitte avec brio : il parvient d'abord à éviter une émeute « rouge » armée à Draguignan le 14 juin 1849 en mobilisant une centaine de gendarmes pour défendre la préfecture. Cette tentative survient après une flambée de petites révoltes populaires dans les grandes villes françaises. Mais l'échec des socialistes et démocrates menés par le député Ledru-Rollin à Paris, en particulier depuis l'École des arts et métiers, ramène une calme torpeur dans le Var. Il permet ensuite la fuite vers Barcelone de Charles-Albert, réfugié anonyme le 16 mars à Antibes après sa défaite de Novare le 23 mars et son abdication consécutive en faveur de son fils Victor-Emmanuel. Enfin, il parvient à retrouver une majorité de représentation politique favorable au gouvernement par une incontestable action politique.
En 1849, le département de 360 000 habitants est plus étendu que de nos jours. Couvrant 726 000 ha, il comporte quatre arrondissements : Brignoles, Grasse, Draguignan et Toulon. La plupart des services départementaux sont à Toulon, qui bénéficie d'une ligne de télégraphie. Résident à Draguignan le préfet, le directeur de l'enregistrement des domaines, l'ingénieur en chef des ponts et chaussées, le commandant de la gendarmerie.
Des troubles importants ont lieu quand les Dracénois apprennent le coup d'État de Napoléon III du 2 décembre 1851.
- Draguignan se modernise avec rapidité lors du Second Empire, notamment avec l'arrivée du chemin de fer, l'éclairage au gaz, le télégraphe et la scolarisation de plus en plus importante. Le rattachement du comté de Nice à la France en 1860 permet de former, en y accolant l'arrondissement de Grasse, le département des Alpes maritimes. Draguignan se retrouve préfecture d'un département tronqué dont la rivière éponyme ne coule plus sur son sol. Le vieux Haussman dans ses Mémoires rappelle qu'il avait proposé sans succès une dénomination logique : "Département de l'Argens".
- En
1869, année de l'inauguration de l'église Saint-Michel entièrement
reconstruite, une Draguignan prospère élit le député libéral
Émile
Ollivier.
Il est nommé chef du gouvernement en juin 1870. Au Plébiscite
du 8 mai 1870,
les Dracénois votent encore massivement « Non » alors
que la France vote « Oui » à 82,71 %.
Dans les années 1870, une épidémie foudroyante de phylloxéra ruine le vignoble dracénois, qui met du temps à s'adapter au parasite et connaît beaucoup de difficultés[réf. nécessaire]. Les vignerons créent une coopérative en 1907. Si la petite viticulture est parfois agonisante dans les années 1880, un puissant exode rural, véritable vidange, destructure le monde paysan des collines et montagnes entre 1880 et 1950. Draguignan, les vallées de la Nartuby et de l'Argens ne recueillent qu'une partie modeste du flux humain qui alimentent villes et riches campagnes plus lointaines. La stagnation de Draguignan desservi par le chemin de fer PLM (Paris Lyon Marseille) à 993 kilomètres de Paris illustre une domination politique et sociale, à la fois bourgeoise et rentière, par une simple comparaison au dynamisme marseillais. Marseille double sa population entre 1850 et 1900. Draguignan a pourtant des atouts.
Entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, l'agriculture encore dominée par l'olivier et le vers à soie déclinent ainsi que l'industrie, et Draguignan n'est plus qu'une ville à dominante tertiaire de services, encouragée en cela par sa petite vocation administrative et militaire. La caserne Chabran est construite en 1913 et reçoit un bataillon de chasseurs alpins.
On construit à la Belle Époque le bâtiments des Archives départementales, une nouvelle gendarmerie et la Poste (laquelle est toujours en activité), ainsi que le collège Gustave Ferrié en 1911, lui aussi toujours en service. De nombreuses écoles, autant de filles que de garçons, ouvrent leurs portes. En 1890, un nouveau bâtiment accueille la bibliothèque municipale riche d'anciens manuscrits prestigieux, qui se trouve toujours au même endroit aujourd'hui. La ville découvre aussi l'éclairage électrique, l'eau courante à domicile, le cinéma, les égouts et le téléphone. Une promenade dans les vieux quartiers piétonniers de la ville actuelle, autour des placettes et des portes fortifiées, permet de retrouver en imagination la ville d'autrefois.
Politiquement, Draguignan est républicaine de centre-gauche et vote pour le parti radical. Félicien Clavier, radical, est maire de la ville de 1881 à 1912 et Georges Clemenceau est son député de 1885 à 1893, puis son sénateur de 1902 à 1920, date de sa retraite politique. Cependant à partir de 1898, Draguignan vote pour la SFIO. Gustave Fourment devient maire et député de Draguignan en 1912.
De 1914
à 1945
La
Première
Guerre mondiale
reste dans les mémoires collectives comme une période de pénurie
et de marasme à Draguignan, avec plus de 200 jeunes habitants portés
disparus ou tués au front du Nord-Est, en particulier lors des
combats des Vosges en 1914 ou de Meuse en 1916. Une stèle
commémorative placée dans la cour de la mairie rappelle les
Dracénois morts aux champs d'honneur.
La ville, qui
enregistre en 1922 9 440 habitants dans un arrondissement de
109 650 habitants répartis en seize cantons et 94 communes, se
rattrape mieux que sa campagne durant les années 1920 sur le plan
démographique. Renforcée par le vieillissement des anciennes
générations dû à l'amélioration de l'espérance de vie, elle
atteint le cap des 10 000 habitants pour la première fois
depuis le XVIIe siècle.
Politiquement, la ville est gérée, après la Grande guerre, par une coalition de droite et de radicaux centristes. Le maire se nomme alors Achille Ditgès. Gustave Fourment, qui a perdu son siège de maire en 1919, saisit l'opportunité de devenir sénateur en 1920. En 1924, avec le retour au scrutin uninominal, le siège de député revient à la SFIO, mené localement par Auguste Reynaud. Il le demeure jusqu'en 1936, date à laquelle Joseph Collomp est le candidat SFIO. Auguste Reynaud, comme Gustave Fourment, ont suivi Pierre Renaudel et Marcel Déat - les néo-socialistes - dans une scission. Joseph Collomp parvient entre-temps à la tête de la mairie en 1925.
En 1936,
le socialiste Joseph
Collomp
est élu député-maire de Draguignan. Il est l'un des 80 députés
qui votent contre l'attribution des pleins pouvoirs à Pétain
en 1940,
contrairement à de nombreux parlementaires varois, Gustave
Fourment
en tête.
Durant la Seconde Guerre mondiale, la mairie est dirigée par Fernand Escullier. La Résistance est assez vive et plusieurs réseaux s'implantent à Draguignan. En novembre 1942, la ville est occupée par les troupes italiennes, remplacées en 1943 par les Allemands. Le général Neuling réside à Draguignan, où il installe le PC du XIIe corps d'armée allemand. De nombreux jeunes dracénois partent pour éviter le STO dans les zones sauvages du Haut-Var pour rejoindre des maquis de diverses obédiences politiques. La Gestapo et la Milice sont actives à Draguignan. Le plus célèbre résistant dracénois, Georges Cisson, est fusillé en 1944.
Draguignan est en grande partie libérée par les FFI le 15 août 1944 lors de l'opération Anvil-Dragoon. Les parachutistes américains et anglais atterrissent au sud-est, à La Motte. Les Allemands, supérieurs en nombre et en matériel, contre-attaquent dans la journée du 16 août pour reprendre le contrôle de la ville. Quatre FFI sont tués mais la Résistance tient bon. Grâce à l'action d'Hélène Vidal qui prévient les alliés de l'insurrection dracénoise, la ville n'est finalement pas bombardée par l'aviation américaine. La ville est libérée par le 551e bataillon d'infanterie américain. Un monument commémoratif rappelle l'endroit où les Résistants dracénois et les Alliés font finalement leur jonction le 16 août à 22h30. Le général Von Neuling se rend au général américain Patch. En 1963 est inauguré un monument commémoratif érigé place de la Paix à la gloire des Résistants du Var.
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